top of page

La thalidomide

 

                  Dans les années 50, la compagnie allemande Chemie Grünenthal synthétisait la thalidomide, un médicament mis sur le marché à partir de 1957. Elle est commercialisée sous sa forme racémique comme sédatif et hypnotique, mais elle est aussi recommandée contre les nausées aux femmes enceintes au cours du premier trimestre de grossesse. Ce médicament était commercialisé dans de nombreux pays de l’hémisphère Nord. 

 

 

  • Comment agit ce médicament ?

 

La thalidomide, de formule C13H10N2O4, est un agent immunomodulateur, c’est-à-dire une molécule qui stimule ou freine les réactions du système immunitaire du corps. Elle agît dans de nombreux organes (foie, poumons, cÅ“ur, rate, cerveau, nerfs, glandes salivaires, peau, plasma) mais surtout aux niveaux digestif et rénal.

Elle permet par exemple de ralentir ou empêcher l’angiogenèse (développement de nouveaux vaisseaux sanguins par bourgeonnement à partir de vaisseaux existants), ce qui ne convient pas avec le développement des vaisseaux sanguins du fœtus, surtout en cas de prise au cours des 25 à 50 premiers jours de la grossesse.

Au niveau moléculaire, la thalidomide se fixe sur une protéine (le celebron) qui forme un complexe avec d'autres protéines intervenant dans la croissance des membres. Son effet immunomodulateur sur les bébés est donc responsable de leurs malformations.

Cette molécule possède un atome de carbone asymétrique (le carbone 10). Elle existe donc sous deux énantiomères R et S, n'ayant pas les mêmes effets. L’un protège contre les nausées (R), l'autre a des effets tératogènes (S).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le  Thalidomide est prescrit sous forme racémique, c’est-à-dire avec autant d’un énantiomère que de l’autre. L’énantiomère S avait le défaut, alors inconnu à l’époque, de s’intercaler dans l’ADN des bébés (grâce au guanine), aggravant les malformations.

 

 

  • Les effets secondaires, un drame pour les fÅ“tus.

 

On a cependant découvert que ce médicament  provoquait de graves malformations congénitales. Ses effets tératogènes (qui provoquent des malformations) on été au cÅ“ur d'un scandale sanitaire qui a abouti au retrait du médicament du marché mondial à partir de 1961.

En effet, les chercheurs de Grünenthal ont affirmé que le Thalidomide, même à très hautes doses, n'avait pas d'autre effet que le sommeil. Mais en 1961, le Docteur McBride, un gynécologue, soupçonne la thalidomide d'être la cause de malformations de nombreux bébés. Les malformations peuvent être différentes selon les cas, on observe généralement les suivantes : absence de pavillons de l’oreille externe et surdité, malformations des muscles de l’œil et du visage, absence ou hypoplasie des bras, pouces avec trois phalanges, difformité du fémur et du tibia, malformations du cÅ“ur, de l’intestin, de l’utérus et de la vésicule biliaire. Ces malformations qui causent souvent la mort prématurée du bébé dépendent du moment de la prise du médicament.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Trois garçons touchés par les effets secondaires de la thalidomide, qui apprennent à écrire malgré leur handicap. Source : http://www.gettyimages.fr/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Radiographie du bras droit d’un bébé atteint par les effets secondaires de la thalidomide.

 Source : http://radiopaedia.org.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Appareil qui permettait aux enfants de la thalidomide de faire des mouvements.

http://www.docbuzz.fr/

 

 

Dès janvier 1962, on compte plus de 3 000 victimes  de ce médicament en Allemagne de l'Ouest. Ce nombre de victimes ne cesse d’augmenter, en juin 1990, plus de 12 000 cas de malformations congénitales ont pour cause la thalidomide dans le monde. Parmi eux, seuls 8000 ont dépassé l’âge d’un an.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Témoignages de mères dont les bébés sont victimes de la thalidomide.

Source : http://fr.calameo.com/

 

 

  • Comment a-t-on découvert l’action de l’énantiomère ?

 

Le caractère tératogène de la thalidomide a été mis en évidence lors d’études sur des animaux. En effet des médecins avaient remarqué de nombreuses malformations sur des fœtus après la prescription du médicament. Une première étude de tératogénicité avait été alors menée sur des rats mais aucun effet indésirable n’avait été remarqué. Celle-ci avait donc disculpé le caractère tératogène du médicament.

 En 1962 une autre enquête révèle la tératogénicité du Thalidomide. Même si les essais sur les rats de la première étude avaient été infructueux, la toxicité fÅ“tale de la molécule a été mise en évidence lors d’une expérience chez le lapin.

Lors de cette étude, 150 mg/kg/jour de thalidomide sont administrés du 8ème au 16ème jour de gestation à quatre lapines dont l’une sans portée à terme est tuée et examinée post mortem. (Cet examen révélé un avortement spontané.)

On remarque dans les portées des trois lapines un taux important d’individus malformés et mort-nés. Les malformations  résultant de l’expérience sont  similaires à celles observées chez l'Homme.

Le caractère tératogène de la thalidomide est prouvé statistiquement par l'utilisation grandissante du produit qui coïncide avec la croissante du taux des malformations chez les fœtus.

On a aussi retrouvé les mêmes résultats lors des expériences sur le lapin. On en conclut donc que la thalidomide est tératogène mais la tératogénicité n’est pas la même selon les espèces.

 

 

  • Qu’est-t-il devenu de la thalidomide ?

 

 

Après son retrait du marché, la thalidomide est de nouveau utilisée pour ses propriétés immunomodulatrices  (agissant sur le système immunitaire en diminuant certaines réactions et en en augmentant d'autres), antiinflammatoires et antitumorales (qui permet de lutter contre les tumeurs). Par exemple, la thalidomide est utilisée dans le traitement du myélome (cancer de la moelle osseuse).

 

 

bottom of page